Assemblée générale de
l’APLIMAP du 21 juillet 2016 à 18h30
Rapport moral de la
Présidente Noëlle Demyk
Chers amis,
Au plaisir de vous revoir nombreux s’ajoute celui de pouvoir
dresser un bilan encourageant de l’année qui vient de s’écouler depuis notre
dernière assemblée générale en juillet 2015.
Le renouvellement régulier des adhésions à l’APLIMAP, votre
présence ce soir, l’afflux des procurations envoyées par ceux qui ne peuvent
être parmi nous, le soutien de la majorité des maires de l’île, témoignent de
la vitalité de notre mobilisation contre l’implantation de filières en eau
profonde dans l’Anse de la Malconche.
Je veux saluer comme chaque année l’engagement sans faille
des trois associations : APLIMAP, SPPIO, UNAN-CM ainsi que des
municipalités de Saint-Georges d’Oléron, La Brée les Bains et Saint-Denis
d’Oléron depuis maintenant 5 années.
Toutes les actions que je vais évoquer dans ce rapport ont
été menées conjointement et, la plupart, avec succès.
Remerciements
-
aux élus présents :
-
Eric Proust, Maire de Saint-Georges d’Oléron, est
excusé et représenté par Y Morandeau maire-adjoint aux affaires maritimes.
-
Jean-Michel Massé, maire de Saint-Denis
-
Patrick Bance, chargé du port du Douhet
-
aux responsables de l’UNAN-CM présents:
-
François Douchet, Président de l’UNAN-CM, Jean
PIVETEAU, 1er vice-président, Colette TALMON
-
Bernard BARBIER, Président de l’APPSD
-
aux ostréiculteurs oléronais qui ont pu
et bien voulu nous accompagner ce soir :
ces ostréiculteurs sont opposés
aux filières de la Malconche telles qu’elles sont organisées par le CRC de
Poitou-Charentes. Ils sont par ailleurs partisans de l’élevage de l’huître
naturelle et certains sont présents à nos côtés depuis 2011. Ils
se battent pour leur survie
professionnelle et s’inquiètent des choix imposés par les dirigeants de la
profession.
LE CONTENTIEUX
JURIDIQUE CONSTITUE L’ACTUALITE ESSENTIELLE DES MOIS ECOULES.
Il s’exerce selon 3 axes principaux :
-
le SRDAM
-
le recours contre l’exploitation des filières
installées en 2012 au titre du 1er projet
-
le recours contre le deuxième projet de filières
autorisé en mars 2015
1-Les recours contre le SRDAM de
Poitou-Charentes, Schéma Régional de Développement de l’Aquaculture Marine.
Il
s’agit d’un document élaboré par l’administration régionale en décembre 2012
dans le but de définir et cartographier les zones potentiellement favorables à
l’aquaculture marine, conchyliculture et pisciculture.
Dans
la Mer des Pertuis, ce sont 14 000 hectares qui sont ainsi délimités sans
aucune réflexion préalable sur les usages multiples et le nécessaire partage de
cet espace maritime. Comme l’avait indiqué un ostréiculteur influent lors d’un
débat de la Communauté de Communes sur ce document : « nous voulons
nous garantir de nouveaux territoires d’exploitation dans le futur ».
Il
est intéressant de noter que les délégués communautaires ont alors voté à une
très large majorité une motion contre les orientations de ce schéma.
Un
recours gracieux a d’abord été déposé en février 2012 puis un recours
contentieux devant le Tribunal administratif (TA) de Poitiers en juin 2013 par
l’UNAN-CM, l’APLIMAP, les mairies de la Brée et de Saint-Denis. 20 mois se sont
écoulé entre la clôture de l’instruction et l’avis fixant l’audience du
rapporteur public en octobre 2012.
Dans
son jugement du 26 novembre 2015 le TA a rejeté notre requête au motif que ce
document ne lése aucune partie (« ne fait pas grief »).
Nous
avons fait appel de ce jugement ainsi que les autres associations, les mairies
de St-Denis et de La Brée. Contrairement à d’autres schémas de développement
concernant l’éolien ou les carrières, il n’existe pas de jurisprudence sur les
schémas d’aquaculture. Nous avons pensé avec notre avocat qu’il était important
de poursuivre la procédure en appel.
Nous
venons de recevoir le mémoire en défense du ministère de l’agriculture. Nous
avons deux mois pour répondre.
2-Les
recours contre le décret préfectoral autorisant l’exploitation de 29 filières
installées dans l’Anse de la Malconche durant l’été 2012 (AECM :
autorisations individuelles d’exploitation de cultures marines)
L’histoire de ces filières
relève du premier projet de champ de filières autorisé en décembre 2011.
La première tranche de travaux prévue par le projet a en effet été
exécutée à marche forcée durant l'été 2012, soit 42 filières, 13 mytilicoles et
29 ostréicoles.
Mais, le référé du Tribunal administratif du 23 octobre 2012 a suspendu
l’exécution de l’arrêté préfectoral ayant autorisé leur création. Avant cette
suspension, la préfète avait autorisé l'exploitation de 13 filières sur les 42
installées, des filières mytilicoles en l'occurence. Nous n’avons pas contesté
la légalité de celles-ci.
En revanche, l’exploitation des 29 filières ostréicoles restantes n’a
été autorisée qu’en mai 2013, après le référé de suspension. Nous avons estimé qu’il s’agissait d’un abus de droit.
Nos actions juridiques ont donc porté à la fois sur le démantèlement des
filières (installations collectives comprenant les aussières, les bouées et les
corps morts) et sur la légalité de l’exploitation individuelle des filières qui
font l’objet d’arrêtés distincts.
- Nous avions déposé en juillet 2013 un recours en annulation
contre les autorisations individuelles d’exploitation du 14 mai 2013 concernant
les 29 filières ostréicoles (UNAN-CM, APLIMAP, SPPIO, mairie
de Saint-Georges).
Le 18 octobre 2013 nous déposions
également une requête de référé suspension de ces AECM. Nous avons été déboutés sur ce point et avons attendu le jugement au
fond pendant presque 2 ans.
- entre-temps, l’arrêté préfectoral
autorisant le premier champ de filières était annulé (janvier 2014) et notre recours d’avril 2014 demandait le démantèlement des 42
filières. Nous contestions en effet
la décision de la préfète de demander la régularisation des ces filières par le
biais de l’instruction d’un deuxième dossier.
Dans
son jugement du 11 juin 2015 le TA a rejeté notre requête, estimant que la
remise en état des lieux n’avait pas été demandée lors de l’annulation du
premier projet.
- notre recours contre l’exploitation des 29 filières a finalement été
jugé début 2016.
L’audience du rapporteur public a eu
lieu le 18 décembre 2015. Ce dernier a
conclu à l’annulation des arrêtés autorisant l’exploitation de ces 29 filières en
se fondant notamment sur les irrégularités de l’enquête publique ainsi que sur
l’absence d’étude d’impact. Le jugement
définitif rendu en Janvier 2016 suit les conclusions du rapporteur public
et annule les 29 arrêtés concernés.
Ceci signifie concrètement que les
42 filières ne sont pas démantelées pour l’instant mais en revanche, les 29 filières
ostréicoles ne doivent pas être exploitées actuellement.
3- Les recours contre le deuxième
projet de filières autorisé le 4 mars 2015
Un recours au fond a été déposé le 7 mai 2015, suivi le 7 juillet d’une
requête en référé suspension.
Le 30 juillet 2015, le tribunal
administratif de Poitiers suspendait l'exécution de l'arrêté préfectoral autorisant l'implantation d'un champ de 313 filières conchylicoles dans
l'Anse de la Malconche. Ce jugement fondé sur l’absence d’étude d’impact
interdit toute implantation de nouvelles filières jusqu’au jugement au fond.
Ce jugement en référé
confirme le jugement du TA de Rennes pris peu de temps auparavant et annulant
l’arrêté préfectoral autorisant l’implantation de filières expérimentales de
moules à Saint-Coulomb près de Cancale.
Mais, à la demande de la préfète de la Charente Maritime, la Ministre de l'Ecologie déposait le 17
août 2015 un pourvoi en cassation contre cette ordonnance de référé.
Ce pourvoi ayant été jugé recevable par le Conseil d'Etat, l'avocat des
3 associations (APLIMAP, SPPIO, UNAN-CM) et des 2 mairies de La Brée et de
Saint-Denis a déposé fin septembre un mémoire en défense remarquable, reprenant
et justifiant les moyens présentés par le tribunal administratif de Poitiers
dans son ordonnance.
Après avoir pris connaissance de ce mémoire le ministère a choisi de se désister et d'abandonner son
recours. Le Conseil d’Etat nous l’a notifié officiellement le 3 décembre
2015. Nous considérons que ce désistement est une victoire pour nous.
A ce jour, le jugement au fond reste
en suspens.
Nous en sommes toujours aux échanges de mémoires et nous attendons que
le TA fixe un délai pour la clôture de l’instruction et une date d’audience.
Sans faire de triomphalisme, nous espérons que le TA restera dans le
droit fil des jugements antérieurs concernant ce dossier.
Par ailleurs, nous venons de déposer un recours (lié au précédent) contre l’arrêté complémentaire signé par
la préfète en juillet 2015. Cet arrêté complémentaire modifie les
coordonnées géographiques du champ de filières ainsi que l’organisation du
comité de suivi des travaux.
Rappel sur cet arrêté complémentaire (rapport AG 2015) :
Il s’agit d’une part, de corriger une erreur technique
concernant les caractéristiques des travaux et d’autre part, de modifier la
composition du comité de suivi prévu par l’arrêté initial.
Ce comité ne comportait à l’origine que le CRC, les
conchyliculteurs et les administrations.
Subitement, après 4 années de lutte, de
manifestations, de courriers répétés, la préfecture découvre que « le
contexte environnemental et la tension perceptible avec les usagers du domaine
maritime de ce secteur de la Malconche doivent être apaisés » et que,
selon les principes généraux du code de l’environnement, « le public est
associé au processus d’élaboration des projets ayant une incidence important
sur l’environnement ou l’aménagement du territoire ».
Elle propose alors dans l’arrêté complémentaire une
commission d’information élargie aux élus et aux associations de protection de
l’environnement dont l’APLIMAP, tout cela sous la houlette exclusive du CRC
bien entendu. Une commission sans aucun pouvoir qui se réunirait annuellement
pour lire les documents qu’on voudrait bien lui présenter.
Qui espère-t-on tromper ou séduire avec ce bricolage
de dernière minute, après 4 ans de déni démocratique et une enquête
publique calamiteuse? Le tribunal ? Les médias ? Les opposants de la
première heure au projet ?
LES
PERSPECTIVES
1- La surveillance du champ
de filières actuelles
82 filières sont déjà installées, 45 sont
destinées aux moules, 37 aux huîtres
o
sur les
82, une quarantaine a été installée à la fin des années 1990. Elles sont dites
« expérimentales » bien qu’elle n’aient fait l’objet d’aucun suivi,
d’aucun bilan. Il s’agissait alors de moules pour l’essentiel.
o
42 ont
été installées à marche forcée en août-septembre 2012 et correspondent à la première tranche du
projet de 2011.
Nous ne renonçons pas au démantèlement de ces filières mais
dans l’immédiat nous demandons à La DDTM et au préfet (lettre envoyée le 27
juillet 2016) :
1-
de
veiller à l’application des décisions de justice concernant l’arrêt de l’exploitation
de 29 filières ostréicoles
2-
de
veiller à l’application de la réglementation concernant l’usage des
filières : soit les huîtres soit les moules mais pas les 2 successivement
comme il semble que cela se pratique
Les navigateurs doivent être
vigilants lorsqu’ils longent le champ de filières et nous communiquer leurs
observations ainsi que des photos ;
2-
le refus déterminé de tout nouveau projet dans l’Anse de la Malconche
C’était l’objet principal de notre
entretien avec le nouveau préfet de la Charente Maritime, Eric Jalon. Il a
reçu une délégation de 9 personnes en février 2016. Les 3 maires étaient
présents ainsi que les présidents d’association.
Comme nous l’a fait remarquer
le préfet, nous gagnons sur des vices de procédure ce qui n’oblige pas le CRC à
renoncer au site de la Malconche pour ses projets.
Tous les participants ont cependant
réaffirmé clairement leur détermination à s’opposer à tout nouveau projet dans
la Malconche.
Si le CRC persiste dans ses
projets pharaoniques destinés à une poignée de gros producteurs, il dispose de
14000ha dans la Mer des Pertuis selon le SRDAM !
Tout champ de filières doit
être situé le plus loin possible du littoral, respecter les usages nautiques et
satisfaire aux exigences d’une étude d’impact sérieuse.
Il est essentiel de rappeler nos victoires judiciaires depuis
2012
-
-
23 octobre 2012 : ordonnance de référé suspendant
l’exécution du 1er projet de champ de filières
-
16 janvier 2014 : annulation du 1er projet de filières
-
30 juillet 2015 : ordonnance de référé suspendant l’exécution du 2ème projet de 313 filières
-
18 novembre 2015: le Ministère de l’Ecologie se
désiste de son pourvoi en cassation contre l’ordonnance de référé suspendant le
2ème projet
-
14 janvier 2016 : annulation des autorisations individuelles
d’exploitation des 29 filières ostréicoles installées en 2012
Nous rejetons le
choix du site de la Malconche pour l’implantation des filières en eau profonde
pour des raisons environnementales et économiques, énoncées inlassablement,
jamais démenties.
Notre dénominateur commun, à nous tous ici présents, c’est
l’abandon de la localisation géographique inappropriée et scandaleuse d’une
expérimentation industrielle, hors de tout contrôle.
S’il n’est pas dans notre objectif initial de nous opposer à
tout projet de filière nous voulons aussi dénoncer les implications biologiques
et économiques de cette technique et faire connaître les positions des
ostréiculteurs qui luttent pour une ostréiculture dite traditionnelle,
respectueuse du vivant et des rythmes saisonniers.
3-
la volonté de peser dans le débat public sur les orientations productivistes de
l’aquaculture et, plus particulièrement, de la conchyliculture
Dés 2011 nous avons souligné la nature agro-industrielle de ce projet de
champ de filières :
-
favoriser
une production de masse au sein d’exploitations plus grandes (au moins 150t de
production annuelle selon l’UE)
-
moderniser
les techniques mais au prix d’investissements lourds et coûteux favorisant la
concentration des producteurs tout en invoquant une moindre pénibilité du
travail (comme pour le tracteur en agriculture)
-
réduire
les coûts de production notamment en main-d’oeuvre
-
les
gains de productivité recherchés sont également fondés sur les biotechnologies
et la manipulation du vivant pratiquées dans les écloseries (triploïdes)
donc, produire plus, plus
vite, à moindre coût, homogénéiser le produit final, l’huître, au détriment de
la diversité et de la résilience du vivant.
Nous avons aussi établi un lien étroit entre la technique des filières
et l’élevage des huîtres triploïdes
Ce lien est d’ailleurs
clairement établi dans le dossier d’enquête publique du projet de 2011. Même si
l’on n’utilise pas des triploïdes la tendance forte est d’élever les huîtres
diploïdes d’écloserie.
Interviennent ensuite les
questions
-
des
mortalités pour lesquelles la fragilité des triploïdes paraît établie
-
de
la survie de l’huître naturelle née en mer.
-
de l’étiquetage des huîtres vendues sur les
marchés selon l’origine et la nature des naissains
Ce sonts les thématiques traitées par le documentaire
projeté après l’assemblée générale proprement dite.
Après quelques échanges avec les participants et des précisions
apportées par J-M Massé sur le SRDAM et notre entrevue avec le Préfet ainsi que
par F. Douchet sur le SRDAM, nous avons procédé à la projection du documentaire
« L’huître triploïde, authentiquement artificielle » (54mn)
réalisé par Grégoire de Bentzmann et Adrien Teyssier, ostréiculteur.Ce documentaire a suscité un vif intérêt et les ostréiculteurs oléronais présents ont apporté leurs propres témoignages sur leur expérience professionnelle. La séance s’est terminé à 10h30.
Ce documentaire sur l’huître triploïde a été projeté le 27 août au centre de vacances du CNRS de la Vieille Perrotine. Les réalisateurs ont indiqué que leur film serait bientôt en accès libre sur internet.
Il est regrettable que la projection de ce documentaire n’ait pas été mentionnée dans les articles de presse relatant notre assemblée générale.
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